mercredi 20 mai 2009

Petites comparaisons !

Infirmière française + infirmière américaine = infirmière parfaite. Equation simpliste, direz-vous ! Peut-être. Toutefois ayant eu la chance d'être formée et d’avoir travaillé en France, et maintenant à New York, je suis parvenue à cette conclusion. Ça ne veut pas dire que je suis parfaite, loin de là ! Mais à l'heure où se prennent d'importantes décisions sur la formation et la reconnaissance des infirmières françaises, je pense qu’il serait intéressant de regarder ce qui se passe de ce côté de l’Atlantique.

Pour comprendre comment je suis arrivée à cette conclusion, je vais vous exposer quelques-unes de mes observations sur chacun des deux systèmes.

La formation française est très axée sur l'apprentissage des gestes. On nous apprend à exécuter les décisions des médecins, sans réelles réflexions personnelles. Les enseignants en école d'infirmière portent d'ailleurs bien leur nom de «formateurs», formattant les petits moutons d'élèves que nous étions à ne pas trop réfléchir en dehors du cadre qui nous était fixé.
Le résultat de ce mode de formation : des infirmières expertes au niveau de l'exécution des gestes techniques et de l'hygiène hospitalière mais, pour la majorité d'entre elles, incapables de faire preuve d’esprit critique, de s’interroger sur le bien-fondé de certaines consignes données par les médecins. En outre, le manque de contenu théorique de cette formation ne leur permet pas de disposer des bases nécessaires pour entamer une réflexion approfondie de leurs pratiques.
A la suite de leur formation, les infirmières se regroupent peu entre elles : seulement 8% adhérent à des associations professionnelles et 4% sont syndiquées.
Les possibilités de formation continue très restreintes, le manque de reconnaissance, mais également des conditions de travail difficiles et un salaire trop faible sont les ingrédients qui ont pour conséquence une durée moyenne d'exercice des infirmiers en France d’environ 12 ans.

Aux Etats-Unis, plusieurs formations permettent d’accéder au métier de «Registered Nurse». A l’inverse de ce qu’on observe en France, ces formations sont essentiellement basées sur un enseignement théorique. A la sortie de l'école, certaines infirmières ne savent pas poser une intraveineuse mais sont capables d'analyser un ECG par exemple.
La conséquence de ce manque de pratique est une qualité des soins bien inférieure à celle prodiguée par les infirmières françaises, sans parler du manque d’hygiène qui fera l’objet d’un… ou deux… voire trois prochains posts ! En contrepartie, le niveau élevé de connaissance médicale permet aux infirmières d'avoir une relation de collaboration avec les médecins et non un rapport hiérarchique.
Un autre avantage du système américain est l’accès à la formation. Une infirmière peut par exemple passer des certifications (réanimation, urgences, médecine/chirurgie, etc.) ou poursuivre ses études universitaires dans le domaine médical (voir mon post précédent sur les « Nurse Practitioner »). Ces formations sont en général payées par l’hôpital, et permettent non seulement aux infirmières d’approfondir leurs connaissances, mais aussi de bénéficier de salaires plus élevés et d’une meilleure reconnaissance.
Un autre point majeur est l’importance des syndicats qui permettent aux infirmières de parler d’une seule voix et d’être entendues. Les syndicats renégocient les contrats de travail avec l’hôpital tous les trois ans et permettent d’obtenir de très bonnes conditions de travail (salaires compétitifs, ratio patients/infirmière raisonnable, etc.).
Les différentes carrières possibles suscitent de nombreuses vocations et permettent aux infirmières d'évoluer au sein de leur profession. D’ailleurs, selon USnews.com, la profession d’infirmière se trouve parmi les 30 professions les plus attractives aux Etats-Unis.

En fait, l’idéal serait une formation infirmière s'appuyant sur les connaissances théoriques proposées par la formation américaine complémentée par l'apprentissage des gestes techniques et de l'hygiène à la française.

Le regroupement au sein d'associations et de syndicats me semble aussi essentiel pour transformer progressivement notre profession et nos pratiques. L’union fait la force !

Enfin, il me semble nécessaire de faire évoluer les possibilités de formation. Au-delà de la reconnaissance à Bac+3 obtenue à partir de la promotion débutant en 2009, il est important de faire évoluer le contenu de la formation, de créer de nouvelles spécialités et de demander une reconnaissance des Diplômes Universitaires par les hôpitaux et les professionnels.

En conclusion, je pense tout de même que la qualité des soins prime sur les capacités intellectuelles de la personne qui les exécute et de mon point de vue, il vaut mieux être un patient en France qu’aux Etats-Unis. Mais je ne peux m’empêcher d’être inspirée par le modèle américain dans lequel les infirmières se battent la progression de leur profession et dont aujourd’hui Florence Nightingale serait fière !

lundi 18 mai 2009

Premier cas de Swine flu (grippe A)

Depuis quelques semaines, mes amis et ma famille me posent souvent des questions sur la grippe à New York. Les seules informations que j’avais alors étaient que le Tamiflu avait été mis sous clé dans la pharmacie centrale de l’hôpital et que l'organisation du «Center of Disease Control» téléphonait chaque jour dans toutes les réanimations de la ville pour faire le point sur des patients atteints de la grippe ou s'étant présentés avec les symptômes de la grippe.

Aujourd’hui, lorsque je suis arrivée au travail, mes collègues m'ont informé qu'une patiente était hospitalisée dans notre réanimation à cause la grippe A. C'est notre premier patient diagnostiqué avec cette pathologie. Cette jeune femme a été placée en isolation : chaque personne entrant dans la chambre doit revêtir un masque et une surblouse ainsi que des gants. Son traitement se compose de Tamiflu et d'autres antibiotiques. De plus, cette patiente étant immunodéficiente, elle a dû être intubée pour détresse respiratoire.

Un des infirmiers entré en contact avec elle pendant quelques heures avant l'institution de l'isolation reçoit également un traitement prophylactique de Tamiflu. Pas de chance pour lui, les effets secondaires de ce médicament ne sont pas très agréables !

Il est difficile de prévoir l'évolution de la maladie aujourd'hui et je vous tiendrai au courant de la suite des événements très bientôt. J’espère que je n’aurai pas grand-chose à vous raconter sur ce sujet !

mardi 12 mai 2009

la formation de « Nurse Practitioner »

J'ai assisté ce matin à la cérémonie de remise des diplômes d'une collègue dans un théâtre de Broadway. Elle vient d’obtenir avec les honneurs son master de « nurse practitioner » à New York University. C'est l'occasion pour moi de vous parler de cette formation, comme je l'avais promis dans mon premier post.

C'est en 1965, que la profession de « nurse practitioner » (NP) fut créée. Cette spécialité a pris son essor dès la fin des années 60, alors que se posait la question du manque croissant de médecin aux Etats-Unis.

Cette spécialisation se fait généralement après un Bachelor of Science in Nursing (BSN), qui est l’un des trois parcours possibles pour exercer le métier d’infirmière. Il faut faire deux années d'études supplémentaires après les quatre années de BSN pour obtenir ce Master of Science in Nursing. Il est également proposé sous forme de formation à temps partiel en trois ans afin de permettre à celles qui le souhaitent de travailler en même temps.

Plusieurs spécialités sont proposées, dont les plus connues sont :
- Pédiatrie
- Adulte
- Famille
- Santé de la femme
- Néonatologie
- Gériatrie
- Soins d'urgences

Les « NP », comme on les surnomme ici, bénéficient d'un champ de compétence très large. Elles peuvent en effet :
- Prescrire, exécuter et interpréter des tests diagnostics (examens sanguins, radios, etc.),
- Diagnostiquer et traiter des maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension ainsi que diverses infections et blessures,
- Prescrire les traitements appropriés et assurer le suivi du patient,
- Conseiller le patient sur son mode de vie afin de prévenir certaines pathologies.
Toutefois, lorsque la situation dépasse ce cadre, elles doivent rediriger le patient vers un médecin dont les connaissances et les compétences seront plus larges.

On les retrouve au sein de différentes structures sanitaires : à l'accueil des urgences où elles posent un pré-diagnostic, prescrivent les examens à effectuer et un traitement préliminaire si besoin ; en consultation dans les services hospitaliers pour effectuer le suivi des patients ; en cabinet médical associées à un médecin, elles reçoivent en consultation les patients, renouvellent les ordonnances ; plus récemment elles se regroupent en cabinet de « Nurse Practitionner ».

Si vous êtes en visite à New York et que vous avez un rhume à cause de l'utilisation à outrance de l'air conditionné, une gastro (ah, les sushis pas frais de la veille !) ou encore que vous vous êtes tordu la cheville en descendant du taxi à Times Square, vous pouvez vous rendre au Duane Reade de la 50ème rue et 8ème avenue à toute heure du jour et de la nuit et être reçu par une NP. Celle-ci vous recevra et prescrira un traitement approprié à un tarif deux à trois fois moins cher qu'une consultation par un médecin.

Alors la question qui se pose est : ne finiront-elles pas par remplacer le médecin généraliste ? La réponse est assez complexe. Un des éléments les plus importants à prendre en compte est la demande croissante de soins liée au vieillissement de la population et à l’augmentation des pathologies chroniques. Cette tendance s’accentue d’année en année et l’on estime qu’il manquera plus de 700.000 médecins en 2025, en dépit des efforts du gouvernement pour en former davantage. Loin de faire concurrence aux médecins, les NP sont une alternative intéressante qui permet d’accroître le nombre de professionnels qualifiés au service de la population, à bien moindre coût.

C’est une belle opportunité d’évolution qui attire de nombreuses infirmières. Elles bénéficient d’une autonomie accrue, d’un salaire intéressant (90 000 à 100 000 dollars à New York) et d’une qualité de vie supérieure. Peut-être une idée supplémentaire dont devrait s’inspirer le système de santé français ?

jeudi 7 mai 2009

Happy nurses' week

Cette semaine, nous célébrons la «semaine des infirmières». Elle a lieu tous les ans entre le 6 et 12 Mai (le jour de naissance de Florence
Nightingale, la fondatrice des sciences infirmières modernes). C'est en Février 1974, que le président des Etats-Unis, Nixon a officiellement proclamé cette semaine comme la «National Nurses Week» dans le but de commémorer le travail de F.Nightingale et d'honorer le travail des infirmières américaines. C'est peut-être la seule chose de bien qu'il ait accompli durant son mandat !


Au programme, jeudi un petit déjeuner était servi par les cadres des différents services, le déjeuner était fourni par un laboratoire, en fin d'après-midi, des glaces étaient servies dans la cafétéria afin de faire se rencontrer les infirmières de l'hôpital. Aujourd'hui, des prix étaient remis à des infirmières ayant été nommées « meilleure infirmière de l'année » dans différentes catégories.

J'ai reçu plusieurs email des associations d'infirmières dont je fais partie me remerciant de mon travail, de ma motivation, de ma compassion et même d'avoir choisi cette profession... « too much ! » direz vous. Oui, c'est vrai, mais je suis fière que ma profession soit aussi reconnue. Cette reconnaissance ne s'exprime d'ailleurs pas seulement par la « Nurses Week » mais aussi par un respect de la part des médecins, des possibilités innombrables de se former aux frais de l'hôpital et une valorisation de nos compétences se reflétant dans le salaire.

Les sites internet de cadeaux à destination des infirmières sont nombreux et tous plus kitchs les uns que les autres. En voici quelques exemples en image:





Alors à toutes mes collègues françaises, je souhaite une «joyeuse fête des infirmières».
Sarko, à quand une «journée des infirmières» en France? Parce qu'après tout, on fait un formidable travail mais dans des conditions souvent difficiles, peu de reconnaissance et un salaire de m...... et que parfois un peu d'encouragement ça ne fait pas de mal !

mardi 5 mai 2009

la loi EMTALA : le droit d'accès aux soins d'urgences

En 2007, 45,7 millions de personnes aux Etats-Unis ne bénéficiaient pas d’assurance santé, soit 15.3% de la population. Plus marquant encore, 8 millions d’enfants n’ont aucune protection sociale.
Les disparités entre ethnies sont également importantes puisque 30% de la population hispanique et 19,5 % de la population Afro-américaine ne disposent pas d’assurance santé contre seulement 10% pour la population blanche non hispanique.

L’absence d’une couverture santé universelle a longtemps conduit les hôpitaux à pratiquer le « dumping ». Cette pratique se caractérise par le fait que certains hôpitaux avaient tendance à transférer ou se décharger des patients sans assurance se trouvant dans l'incapacité de payer pour leur prise en charge.

Dans ce cadre, la loi EMTALA (Emergency Medical Treatment and Active Labor Act) a été promulguée par le Congrès américain en 1986. Celle-ci oblige désormais les services d’urgences des hôpitaux et les ambulances à prendre en charge les personnes nécessitant des soins d'urgences indépendamment de leur capacité financière, nationalité ou statut légal. Cette loi s'applique à tous les hôpitaux du pays à de rares exceptions près.

Cette loi s’articule autour de trois axes principaux :

- L'hôpital est tenu de procurer un examen préliminaire du patient afin de déterminer s'il s'agit d'une urgence vitale ou pas, et dans le cas d'une femme enceinte si elle est entrée en phase de travail. Celui-ci peut être pratiqué par un médecin ou une infirmière praticienne (généralement la première personne que vous rencontrez aux urgences). Si le patient nécessite des soins d'urgence, l'hôpital a pour obligation de pourvoir les traitements appropriés.
- La prise en charge des patients considérés comme étant instables ne doit pas être retardée dans le but de s’assurer que le patient possède bien une assurance.
-Dans le cas où le patient est considéré instable, il ne peut en aucun cas être transféré vers un autre hôpital ou déchargé. Un transfert peut être envisagé ultérieurement si certaines conditions sont réunies (moyens humains et techniques présents lors du transfert) et si le médecin estime que l'état du patient ne se détériorera pas durant le transport.

Les hôpitaux et les médecins contournant s’exposent a des sanctions financières pouvant s’élever à 50 000 dollars.

Cette loi pose toutefois de nombreux problèmes. 55% des soins prodigués aux urgences ne sont pris en charge ni par les assurances privées, ni par l'Etat. Le déficit créé entraîne des hausses d'impôts et la fermeture des services d'urgences des hôpitaux qui ne peuvent pas assumer financièrement le coût de la prise en charge des patients non assurés. Les services d'urgences restants deviennent alors surchargés et les ambulances doivent donc transporter les patients dans des hôpitaux plus lointains, retardant ainsi leur traitement.
La loi EMTALA semble également incomplète car il s’agit uniquement de stabiliser le patient en situation d'urgence vitale et la question de son suivi n'est pas abordée.

Pour conclure, cette loi est un point de départ, mais une profonde réforme du système de santé est encore nécessaire pour rendre les soins de santé accessibles à tous. Espérons que le nouveau président pourra mener les réformes pour y parvenir ! La tâche me paraît ardue, car au delà des lois, un changement des mentalités est indispensable. Même si la majorité des Américains s’accordent à dire qu’une couverture maladie universelle est nécessaire, beaucoup n’acceptent cependant pas l’idée de payer des impôts supplémentaires pour les autres.